La vieille ville de Pézenas, dans l’Hérault, ancienne résidence des gouverneurs du Languedoc, fourmille de rues pavées du XVIème siècle. C’est là que se cachent les toiles d’Anne Guillon, ajoutant à l’ambiance de la cité chargée d’histoire leur poésie hors du temps.
La facture est contemporaine ; d’abord un peu secrète, elle nécessite une attention qui dépasse le stade d’une lecture passagère. Il se dégage pourtant de ces contours modernes une ambiance à la limite de celle d’un conte oriental : l’effet des couleurs roses, mauves, la présence moirée des matières, l’atmosphère d’un jardin protégé confèrent à ces œuvres une douceur globale qui renvoie aux miniatures persanes.
Les motifs décoratifs associés aux collages ont une présence sur l’ensemble du tableau, et se jouent de la limite entre les personnages et leur environnement : cette continuité poétique n’est pas sans rappeler les impressions des toiles de Matisse.
L’artiste puise sans doute une partie de son inspiration dans ses nombreux voyages. Née en 1964 de parents enseignants en coopération, elle a parcouru le monde à leurs côtés durant son enfance et son adolescence. Rentrée en France pour suivre des études d’économie et finance, elle repart vivre et travailler quelques années à l’étranger. Ce n’est qu’à son retour en 1997 qu’elle décide de se tourner vers l’art. Elle suit alors des cours en peinture décorative et se lance dans la création de mobiliers et d’objets d’art.
Puis elle ouvre son atelier à Pézenas, en se dirigeant d’abord vers un travail abstrait. Au fil du temps cette abstraction va se peupler de figures, évocations de rêves et de fragilités humaines qu’elle appelle son « imaginaire-vécu ».
Le cheminement d’une œuvre est progressif, fait de reprises multiples accueillant l’intuition et l’aléatoire. Il fait appel aux encres, aux acryliques, aux pastels, aux fusains, à l’huile, aux collages, aux éléments travaillés avec des monotypes ou des plaques de linogravure.
Le papier y prend une part essentielle : chargé de couleurs, de traces, d’empreintes, il crée une âme entre les techniques qui se superposent en couches légères et raffinées.
Anne Guillon bâtit ainsi son monde, pour « décider enfin de la couleur du ciel ».