RIVIERE

Alain RIVIÈRE-LECOEUR est photographe, mais on pourrait aussi le qualifier de sculpteur. Pour sa série des Chairs de Terre, il réalise des compositions en assemblant des modèles nus, les enduit d’argile puis les photographie. On pense aux moulages présentés dans le musée de Pompéi, figurant des corps pris en pleine action lors de l’éruption du Vésuve. Le récit de la création de l’homme, dans la Genèse, par modelage de la glaise du sol, vient aussi à l’esprit. La composition, souvent pyramidale, évoque aussi le Laocoon du musée du Vatican. Mais il y a bien plus que ces aspects relativement anecdotiques dans ces oeuvres.

Tout d’abord on y découvre une réflexion sur le mouvement et l’immobilité. La photographie fige et fixe le mouvement. Dans le cas des Chairs de Terre, ce mouvement des corps est doublement figé. Tout d’abord par la terre qui les couvre, puis par la prise de vue. Pour autant, il n’y a rien de statique dans ces compositions. On devine une chorégraphie sous-jacente que rien ne semble pouvoir suspendre. On peut aussi les lire dans le sens inverse de leur réalisation, comme une éclosion, un surgissement des corps depuis leur gangue terreuse.

Il y a aussi un évident souci de rendre compte de la qualité de la peau, de cette délicate frontière entre le corps et son environnement, une volonté de magnifier l’épiderme, en le masquant pour que le regard de l’observateur le dévoile à son tour et ce avec une grande sensualité et sans la poindre impudicité. Le contact de la peau et de la terre exacerbe l’intimité des corps, communiquant au spectateur tout un spectre d’émotions.

On peut enfin y voir une réflexion sur les fins dernières. Cette humanité rendue si belle et si harmonieuse par son contact avec la glèbe le restera-t-elle, minéralisée pour l’éternité, participe-t-elle d’un cycle qui la fera retourner à sa poussière originelle ? Donner l’apparence de l’inerte au vivant serait donc forme d’exutoire à notre condition humaine inexorablement condamnée à aller dans le sens inverse. » (Louis Doucet)

Alain RIVIÈRE-LECOEUR est né en 1955. Photographe franco-américain, il a fait des études de photo et cinéma à Vincennes, commencé sa carrière à New York, et vit et travaille actuellement à Paris. Ses multiples rencontres avec des artistes de tous horizons et ses diverses expériences – en tant que grand voyageur, reporter, photographe publicitaire, céramiste et amoureux de la danse et du mouvement – lui ont permis d’expérimenter et d’explorer par la photographie de nombreux domaines. Deux livres, «Entre homme et animal» et «Chairs de Terre», lui ont été consacrés. Ses oeuvres ont été exposées en région parisienne, au Festival Off d’Arles, aux Etats-Unis, en Italie, en Chine. Distinctions 2017 : prix Artension, prix Artcité, prix Christiane Peugeot.