BLIN

Mettons les choses au point : il ne s’agit pas de peintures mais de photographies. Et celles-ci n’ont reçu aucun traitement spécifique autre que lumière et recadrage. Prises sans équipement particulier au cœur d’un élément très mouvant, elles attestent un savoir-faire hors du commun.

Cette précision indispensable donnée, il est inutile de dire que Philippe BLIN est passionné de photographie et de mer. Se définissant comme photographe reporter pictural, il arpente la planète pour y saisir le mouvement et la lumière. C’est au retour de 5 semaines sur un 2 mâts 78 pieds sur les côtes de l’Antarctique qu’il a rapporté certaines des œuvres présentées, venant compléter celles du Groenland.

Son père était photographe, et il aimait l’accompagner en studio ou sur les prises de vues en extérieur. Armé de son appareil, il tentait d’apprivoiser les différents plans, de jouer avec les lumières. Plus il expérimentait et plus sa passion pour la photographie grandissait. Mais à l’époque, pas question d’en faire son métier.

Après des études à l’Ecole Nationale Supérieure des Arts Appliqués et des Métiers d’Arts Olivier de Serres à Paris, Philippe BLIN a mis son imagination au service de grandes Maisons parisiennes, comme Paco Rabanne ou chez Chanel, pendant plus de trente ans. Mais aujourd’hui la passion de la photographie ancrée en lui remplit sa vie professionnelle et personnelle.

Sous la houle puissante qui se gonfle puis se relâche dans une lancinante répétition, au cœur d’un iceberg, au gré du mouvement des eaux glacées, son appareil danse au rythme des ondulations et se fait pinceau. L’artiste magnifie le vent qui danse sur l’écume, les vagues qui s’unissent au ciel, les reflets sur les miroirs de glace, les scintillements nocturnes qui sont les vibrations du monde.

VARILLON

Hortense VARILLON, née en 1967, a tout d’abord mené une carrière dans la logique de sa formation juridique et commerciale. C’était sans compter avec sa passion de photographe, qu’elle porte en elle depuis toujours et qui a fini par prendre le dessus. Le temps n’a pas été perdu pour autant : elle a accumulé des milliers de clichés, argentiques, diapositives, numériques et dispose ainsi d’une immense base de données visuelles, qui constitue une source inépuisable d’inspiration.

Si la photo est le support technique de son écriture comme pour d’autres la terre ou la peinture, sa démarche est celle d’une création de nouveaux sujets sous forme de collages photographiques.
La photo de départ et les fragments qu’elle sélectionne, découpe ou détoure, puis colle ou assemble sont bien le reflet d’une réalité tangible. Mais l’association de ces images, prises en des temps, des lieux et des circonstances sans rapport entre eux, nous font plonger dans un monde totalement irréel. Les échelles sont bouleversées, les notions d’équilibre ne sont plus respectées, les corps multipliés volent ou plongent, les objets les plus solides se dédoublent et leurs frontières deviennent incertaines.

L’univers vu par Hortense VARILLON apparaît ainsi mâtiné d’humour surréaliste. Il ne faut pas s’étonner de voir des bicyclettes, une partition ou un smartphone trouver une nouvelle vocation comme horloge, cour de récréation ou jungle..

Peu de couleurs dans ces oeuvres essentiellement en noir et blanc, proches du dessin, car, dans une ultime étape, c’est la lumière qui va être mise à contribution pour leur apporter un dédoublement ambigu. Les compositions sont en effet imprimées sur du plexiglas, décalé de  quelques millimètres du fond du cadre en dibond blanc : un éclairage naturel ou artificiel projette la composition sur le dibond, et confère à l’ensemble une troisième dimension réelle, contredisant celle, conventionnelle et fictive, de la perspective classique.

Les visuels déroutants d’Hortense VARILLON, aériens, poétiques ou simplement esthétiques, ont été présentés dans des salons et galeries, essentiellement en région parisienne. Prix du public Rencontres de Saint Céneri 2018.

RIVIERE

Alain RIVIÈRE-LECOEUR est photographe, mais on pourrait aussi le qualifier de sculpteur. Pour sa série des Chairs de Terre, il réalise des compositions en assemblant des modèles nus, les enduit d’argile puis les photographie. On pense aux moulages présentés dans le musée de Pompéi, figurant des corps pris en pleine action lors de l’éruption du Vésuve. Le récit de la création de l’homme, dans la Genèse, par modelage de la glaise du sol, vient aussi à l’esprit. La composition, souvent pyramidale, évoque aussi le Laocoon du musée du Vatican. Mais il y a bien plus que ces aspects relativement anecdotiques dans ces oeuvres.

Tout d’abord on y découvre une réflexion sur le mouvement et l’immobilité. La photographie fige et fixe le mouvement. Dans le cas des Chairs de Terre, ce mouvement des corps est doublement figé. Tout d’abord par la terre qui les couvre, puis par la prise de vue. Pour autant, il n’y a rien de statique dans ces compositions. On devine une chorégraphie sous-jacente que rien ne semble pouvoir suspendre. On peut aussi les lire dans le sens inverse de leur réalisation, comme une éclosion, un surgissement des corps depuis leur gangue terreuse.

Il y a aussi un évident souci de rendre compte de la qualité de la peau, de cette délicate frontière entre le corps et son environnement, une volonté de magnifier l’épiderme, en le masquant pour que le regard de l’observateur le dévoile à son tour et ce avec une grande sensualité et sans la poindre impudicité. Le contact de la peau et de la terre exacerbe l’intimité des corps, communiquant au spectateur tout un spectre d’émotions.

On peut enfin y voir une réflexion sur les fins dernières. Cette humanité rendue si belle et si harmonieuse par son contact avec la glèbe le restera-t-elle, minéralisée pour l’éternité, participe-t-elle d’un cycle qui la fera retourner à sa poussière originelle ? Donner l’apparence de l’inerte au vivant serait donc forme d’exutoire à notre condition humaine inexorablement condamnée à aller dans le sens inverse. » (Louis Doucet)

Alain RIVIÈRE-LECOEUR est né en 1955. Photographe franco-américain, il a fait des études de photo et cinéma à Vincennes, commencé sa carrière à New York, et vit et travaille actuellement à Paris. Ses multiples rencontres avec des artistes de tous horizons et ses diverses expériences – en tant que grand voyageur, reporter, photographe publicitaire, céramiste et amoureux de la danse et du mouvement – lui ont permis d’expérimenter et d’explorer par la photographie de nombreux domaines. Deux livres, «Entre homme et animal» et «Chairs de Terre», lui ont été consacrés. Ses oeuvres ont été exposées en région parisienne, au Festival Off d’Arles, aux Etats-Unis, en Italie, en Chine. Distinctions 2017 : prix Artension, prix Artcité, prix Christiane Peugeot.