C’est dans une très belle campagne proche du Loing, en Seine et Marne, que Jean Baptiste RIGAIL crée les collages et les encres foisonnants et précis qui lui ont valu en 2020 le prix Univers des arts et la médaille d’argent de la Ville de Paris.
Né en 1956, il se plaît, enfant, dans le monde imaginaire de ses histoires dessinées, puis dans celui des objets décalés qu’il détourne de leur fonction initiale. Il suit des études de graphologie mais se consacre bientôt au modelage sur argile : son attirance pour les matières se poursuivra lorsqu’il s’oriente finalement vers la peinture, en autodidacte.
Les matières servent en effet sa création : de support le papier évolue en acteur, le sable devient docile et cohabite avec l’encre, la gouache et l’aquarelle. Avec des pages de dictionnaires ou de partitions il façonne un matériau neuf : les fragments extraits sont froissés et collés en une couche rigide, le papier est plissé, raidi et rendu brillant.
Ses scènes de groupe, où les personnages fourmillent et font masse, font appel à une palette de base concise : noirs et blancs, à l’unisson des pages imprimées, rouges sombres, jaunes et ocres intenses teintant les sables ou fondus en une laque à l’éclat moiré.
A l’inverse les portraits individuels affichent une profusion de couleurs comme pour marquer, à la façon d’Arlequin, les différentes facettes des influences qui nous façonnent.
La précision du dessin renforcée par le noir rappelle le travail du miniaturiste. Les cadrages serrés parfois eux-mêmes recadrés par une nouvelle frise évoquent les compositions de Pierre ALECHINSKY.
Tous différents mais si proches en réalité : pour l’artiste, l’homme est asexué, multiple et répétitif à la fois. Dans le chaos tranquille des peintures de Jean Baptiste RIGAIL, les détails s’emmêlent et les portraits solitaires innombrables s’enchevêtrent pour donner naissance au thème principal. Les multitudes de visages sillonnent la toile dans des positions alambiquées, dans un univers placé sous le signe des addictions, des musiques, de la convivialité qui cache la solitude. Et la mosaïque de ces marionnettes dit à la fois l’uniformité et la singularité de notre humanité, sur un fond d’humour parfois noir.